dimanche 10 juillet 2011

Vivre ou survivre, il faut choisir (ou pas ?)


LO N°450 (6 juillet 11)

DANS LA SÉRIE "J'Y COMPRENDS PLUS RIEN"
Pourquoi les Grecs, en faillite dans leur pays, essaient-ils de fuir vers GAZA ?
Comment se fait-il que Bison Futé autorise le Tour de France ?
Faut-il prolonger l'existence de Fukussenheim ?
La Chine est un marché potentiel énorme, dit-on. Un milliard et demi de consommateurs. Ça veut dire qu'on voudrait leur vendre les trucs qu'on leur fait fabriquer pour des salaires minables grâce auxquels ils ne peuvent rien acheter du tout. (Et de plus c'est censé être de l'exportation…)
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AVIONS
Le salon du Bourget nous promet plein de nouveautés qui ne verront jamais le jour. Un avion hypersonique stratosphérique, Paris-Tokyo en 2 h 30 en 2050. Mais… 2050 ?! Y aura encore du kérosène en 2050 ? Il volera à l'huile de friture ? Faudra en bouffer, des frites, pour fournir ! A l'huile de palme, à la graisse d'algue, de phoque, de coude ? Et "stratosphérique" ? Ça sera pas interdit depuis longtemps bicoz couche d'ozone ?
Je suis de mauvaise foi, je sais : il est censé décoller et atterrir à l'huile d'algue et ensuite voler à l'oxygène et hydrogène et ne rejeter que de la vapeur d'eau. Mais Paris-Tokyo en 2 h 30, à quoi ça sert ? A qui ? Avec la récession mondiale, on pourra même pas le construire, cet avion, et plus personne n'aura les moyens de voyager en avion. Les affaires internationales, le tourisme… terminé. La seule préoccupation sera de faire bouffer les neuf milliards d'habitués de la planète.
Quant à l'avion solaire… poétique, certes, mais ses ailes de géant l'empêchent de marcher… 64 mètres d'envergure, plus encombrant qu'un airbus, pour transporter UN type…
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RÉGRESSION
Si on fait un peu attention à ce qu'il se passe, on s'aperçoit que les problèmes politiques (au sens strict) ou économiques sont dépassés par des problèmes de régression civilisationnelle : éducation, habitat, soins médicaux… et pire : des problèmes d'air, d'eau, de nourriture. On assiste d'abord à des régression de qualité – ce n'est pas nouveau –, ensuite, pire, à des menaces sur leur accessibilité ou même leur existence. Je parle toujours aussi bien de l'éducation, l'habitat, les soins médicaux, que de l'air, l'eau, la nourriture. C'est-à-dire que des questions de survie telles qu'elles se posent à une tribu du fin fond de la brousse deviennent des questions de premier plan dans notre civilisation de "pays les plus évolués du monde" (USA, Europe, Japon…)
Nous étions, nous sommes encore, dans l'enchantement de l'abondance, l'étreinte glorieuse et la partouze enchantée… Que pouvons-nous espérer de "la décroissance" ? Un désenchantement qui ne nous fasse pas trop mal…
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LA FAIM
Désirs basiques, besoins du corps. Le corps crie famine, réclame son dû, la satisfaction de ses besoins animaux : manger, boire. C'est la survie. La nature-nourriture. (Nurture, disent les américains de la nature en tant que nourriture : • the act or process of promoting the development, etc., of a child ; • something that nourishes ; • (Biology) the environmental factors that partly determine the structure of an organism .) Cette souffrance est apaisée par le plus simple : du pain et de l'eau, ou la galette d'orge d'Epicure (comme quoi l'épicurisme, ce n'est pas jouissance champagne-caviar mais le goût de l'essentiel). Manger, c'est d'abord apaiser les douleurs liées au manque. Apaiser. C'est le premier état de bien-être, plaisir "en creux", si on veut : non-souffrance, absence de mal, de malheur, de maladie. Ataraxie, disent les philosophes. Un juste milieu entre la souffrance et la joie.
Cet état – minimum vital, confort basique, survie – est la condition de la suite.
Après, pour rester dans le domaine de la nourriture, vient la culture. La cuisine, la cuisson, la convivialité. Et les excès : la gourmandise, le surrafinement, la nourriture dégradée par les excès de cuisson, altérée par les mélanges trop sophistiqués, polluée par la chimie et les pratiques industrialo-commerciales.
Après encore, il y aurait quoi ? Le bio, peut-être, à comprendre non comme un retour au primitif, mais comme un système "post-moderne" ayant assimilé la science, la technique (de l'agriculture à la cuisine) et décelé leurs effets pervers. Partant de là, travaillant à une combinaison intelligente et savante du "naturel" et du "culturel". Ce qui est, au sens propre, l'écologie, non en tant que militance, mais science appliquée.
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VIVRE OU SURVIVRE ?
La plupart des habitants de la planète survivent et s'en contentent. Nous (occidentaux), nous voulons "vivre". C'est quoi ?
— Le chocolat, les clopes et le café.
La recherche du bonheur ? Mais le bonheur est une notion très sujette à caution, remises en cause, discussions et causeries… comme tous les concepts tendant à l'absolu. Il y a une difficulté de définition à laquelle je ne m'attaquerai pas. Au delà de la satisfaction des besoins primaires,  on entre dans un "chacun son truc", un gros bazar qui mélange ou confond plaisir, jouissance, confort, etc. Ou fantasmes quasi métaphysiques : jardin d'Eden, rêve tahitien… Restons modeste : parlons de bien-être ou de qualité de vie. Essayons de définir cela et d'assurer cela.
- Vivre bien ou mieux que bien, matériellement parlant.
- Faire ce qu'on a (le plus) envie de faire. Question boulot, par exemple. Et, plus globalement, avoir des projets et les moyens de les accomplir. Ce qu'on pourrait appeler "réussir" – au sens large, pas forcément professionnel.
- Ajoutons : avoir une vie affective (relationnelle, sentimentale, sexuelle…) satisfaisante.
— Et la santé ?
— Oui : la santé.
- La sécurité. On peut lire aussi, dans cette demande à "vivre", une demande de sécurité : vivre, bien vivre, c'est vivre sans crainte – de se faire agresser en sortant de chez soi, – de perdre son boulot à tout instant, – de voir ses conditions de vie précitées (logement, bouffe, emploi, vie affective) se dégrader : vivre dans la précarité, au pire "tomber dans la rue". Il y a une demande de continuité ou de stabilité dans ses conditions de vie, pas forcément une progression constante, avoir plus, vivre de mieux en mieux, mais au moins la stabilité. Vivre avec une épée de Damoclès sur la tête n'est que survivre.
Si nous définissons ainsi "le bonheur" au sens moderne, rappelons-nous que, pour Aristote, le bien suprême auquel tend la politique, c'est le bonheur (du plus grand nombre possible). Et rappelons-le aux hommes politiques.
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Explosion des prix des matières premières, y compris alimentaires.
- hausse de la demande intérieure des pays émergents (Inde, Chine).
- Variations climatiques dans les pays producteurs (incendies russes, sécheresse australienne… ou française).
- Et surtout : spéculation.
S'ajoute une panique précatastrophiste. Il règne un ressenti inconscient qui anticipe que "tout ça va mal finir". Dans le grand "on" terrien, on pressent, on prévoit et du coup soit on accumule des réserves en vue de, soit on veut en profiter avant la cata, comme une sorte de baroud d'honneur ou de potlatch…
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Il y en a toujours pour dire que si on réunissait les 9 milliards prévus de terriens sur le seul territoire des USA la densité y serait encore inférieure à celle de l'Ile de France aujourd'hui (Gérard-François Dumont, dans le Monde Diplo de juin 2011, avec un gros dossier démographie-surpopulation.) Evidemment que c'est une grosse connerie. Le problème n'est pas la densité de l'habitat, la proximité des habitants sur un territoire donné, mais celui de la surface de territoire qu'il faut à chacun pour avoir de quoi manger, boire, s'habiller, se déplacer, produire, consommer…
http://fr.wikipedia.org/wiki/Empreinte_écologique
# L'empreinte écologique comptabilise la demande exercée par les hommes envers les "services écologiques" fournis par la nature. Plus précisément, elle mesure les surfaces biologiquement productives de terre et d´eau nécessaires pour produire les ressources qu´un individu, une population ou une activité consomme et pour absorber les déchets générés, compte tenu des techniques et de la gestion des ressources en vigueur. # Etc.
Un courrier de lecteur (M. Jérôme Balleydier) du même journal, de juillet, explique ça assez posément et précisément : « Je suis assez étonné qu'il n'est que peu mentionné [dans ce dossier démographie] la dépendance aux ressources naturelles permettant à l'humanité de vivre et d'évoluer (se nourrir, mais aussi se déplacer, se soigner, communiquer, s'éduquer, s'émanciper) au cours de son histoire, et notamment la dépendance au pétrole pour l'histoire contemporaine.
Il me semble que l'explosion démographique du XX° siècle est profondément liée à la découverte puis à l'exploitation du pétrole. Toutes les économies productivistes passées ou présentes reposent sur le pétrole, qui fait partie, sans que nous le remarquions, de notre environnement familier : transport des biens et des personnes, élevage, agriculture, santé, industrie lourde et légère, communication il faut dix fois le poids d'un ordinateur en pétrole pour le produire). Bien entendu, l'alimentation mondiale est complètement dépendante de l'or noir élevage, agriculture, transport). Il est pour le moins primordial de se poser la question comment va-t-on nourrir les neuf milliards d'individus prévus en 2050, sachant que le pétrole bon marché sera déjà très loin derrière nous ? »
Il oublie juste de mentionner les plastiques, présents partout, du stylo-bille à la cuvette rose de la cuisine… Le pétrole n'est pas seulement une source d'énergie, c'est une matière première au même titre que le cuivre ou la pierre… mais pas au même titre que le bois qui, lui, est renouvelable.
Tout ça pour dire qu'on ne peut pas parler de démographie et se poser la question de menace ou non de surpopulation en n'en faisant qu'une question de nombre et de politique (nations, émigration, etc.) La question démographique est une basique question de bouffe. Et le bio est sans doute le salut, plutôt que le pétrole (cf LO 444, avec le rapport de l'ONU). 


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