mercredi 25 mars 2015

INTENTION DE BLESSER ?


Intention ? Il y a (ou pas) volonté d'insulter, de blesser l'estime de soi de l'autre.
Question : quand c'est fait sans intention d'offenser, est-ce "une insulte" ? Ou seulement pour celui qui se ressent comme offensé – j'y reviens.
Ressenti : il y a (ou pas) un ressenti d'insulte (humiliation, vexation, atteinte à l'estime de soi, se sentir méprisé…) (J'ajoute qu'il faut bien se rappeler que, dans la parole, le ton de la voix, l'expression, la gestuelle, peuvent faire de grosses différences entre un simple constat critique et une remarque insultante.)
Et se pose toujours la question de l'identification de l'individu à une religion, un mythe, une idéologie. Si je suis anarchiste déclaré et que quelqu'un dit "l'anarchie, c'est de la merde", l'intention de cet émetteur n'est pas forcément de m'insulter, moi ; et dois-je me sentir visé, moi individu, insulté ? (De même une insulte au Coran ou à Mahomet ou à la Bible ou à Jésus inclut-elle automatiquement l'insulte à tous les croyants de ces confessions ?… Je cherche en moi s'il y a une cause ou conviction ou idée générale à laquelle j'adhère dont je ne supporterais pas qu'elle soit insultée par un tiers… Je ne trouve rien… J'ai peut-être un manque…)
En réponse à une insulte ressentie, il y a ressentiment (justement), désir de revanche ou de vengeance.
Ou pas. Ce qui suppose humour dans le sens de capacité à l'autodérision, à ne pas se prendre trop au sérieux. L'absence de réponse violente est la marque du civilisé. Freud disait un truc dans ce genre : la civilisation commence quand on remplace un coup de poing par une insulte. (On peut chercher comment elle continue, après… Au delà de l'insulte… quelque chose comme le dialogue, sans doute.) Il s'agit bel et bien de brider un instinct naturel. Quand le pape dit « [si quelqu'un] dit un gros mot sur ma mère, il doit s’attendre à recevoir un coup de poing ! C’est normal… » C'est "normal", oui, chez les singes ou chez les GCP (gros con primaires), mais on peut déjà lui rappeler les paroles d'un certain Jésus qui parlait de tendre l'autre joue.
Et là, je reviens au légal. Philippe Huneman : « Le droit moderne reconnait l'opposition entre les deux types de violence : si vous frappez quelqu'un parce qu'il a injurié votre mère, vous serez condamné : le juge ne considèrera pas l'insulte proférée comme une justification de votre violence physique. » (Philosophie Magazine 87). Ça ne veut pas dire que la violence verbale et donc psychologique n'existe pas, mais qu'elle garde, le plus souvent, une ambigüité qui empêche de la condamner au même titre qu'une violence physique, objectivable, elle, mesurable en "coups et blessures", facturable en frais médicaux… Une moquerie, on peut s'en foutre, un meurtre est irréversible. (Je ne nie pas la souffrance que peut entrainer l'insulte, la violence verbale, et a loi ne la nie pas systématiquement.)
Et de là, – suite dans les idées… – je reviens au blasphème (qui après tout est la question de base de ce travail de réflexion), toujours avec le philosophe Philippe Huneman : « Il faut établir une distinction claire entre l'insulte ou la diffamation, et le blasphème. Pourquoi la loi ne considère-t-elle pas le blasphème comme la diffamation ou l'injure ? Parce que l'insulte vise un citoyen, une personne réelle qui peut souffrir des conséquences, alors que le blasphème vise des entités – Mahomet, Jésus, Marie, Bouddha… – à l'existence desquelles seules quelques personnes croient, et qui, en elles-mêmes, ne peuvent pas être lésées. »
Se retenir, retenir son instinct sauvage ou infantile, c'est la civilisation. Au début, il faut se forcer, pour sortir de son sérieux infantile, de sa susceptibilité, sa vexativité (vexabilité ?). Pour ne pas en garder un ressentiment, ce n'est pas simple, c'est toute une éducation ou auto-éducation, qu'on peut appeler apprivoisement ou domestication… ou maturation. C'est que d'abord, dans la société primitive des enfants, tu crains de passer pour un lâche si tu ne réponds pas. Ensuite, retournement, tu crains de passer pour un sauvage ou un GCP si tu n'es pas capable d'humour, d'autodérision : prendre la distance, rire de toi-même. D'abord, c'est un effort, certes, mais à la longue ça peut s'installer comme une seconde nature. C'est l'éducation, c'est la civilisation (bis). (On verra plus loin la question du chantage exercé par la caricature, la moquerie, l'humour.)
Un autre élément de la civilisation, c'est l'appel à l'autorité officielle. Ce que j'ai désigné plus haut comme la seule forme d'objectivité à laquelle on puisse se référer : la Loi. Quand, entre adversaires, on s'avère incapables de régler un conflit, on s'adresse à une instance supérieure, reconnue comme supérieure par les deux parties ou partis. La loi, le jugement qui arrête la bagarre, qui rompt le cercle ou l'escalade des vengeances réciproques. Bien sûr chacun ne sera pas forcément d'accord avec le jugement rendu par la loi, mais il peut l'accepter ou s'y résigner s'il reconnait l'instance légale en question. Exemples : • un conflit entre frères : le père tranche ; • un conflit entre locataires : le propriétaire tranche.
Il y a problème si l'autorité n'est pas reconnue. C'est l'un des problèmes politiques actuels.


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