dimanche 5 avril 2015

OFFENSE. OFFENSER


Sans vouloir passer en revue tout le vocabulaire de l'engueulade, quelques développements supplémentaires…
L'offense. À la base : Heurt, blessure. Ou : Impression pénible, dommage (… ce qui concerne le récepteur, la victime).
Couramment : Outrage, injure de fait ou de parole. (Donc, encore une fois, pas grosse différence avec insulte ou injure.) Porter atteinte à –. Faire injure à –. Ne pas respecter. Pamphlet, caricature qui offense. (Là, c'est plutôt le rôle de l'agresseur qui est pointé.)
Par extension : offusquer, troubler. (Côté récepteur : marque l'émotion de qui reçoit une offense ou est choqué par un fait – qui ne le concerne pas forcément personnellement.)
Le dicton « Il n'y a que la vérité qui offense » semble bien être devenu depuis « Il n'y a que la vérité qui fâche », dont l'intérêt est de pointer le ressenti du récepteur, celui qui se fâche, se vit comme offensé – ou non… soit se vexe – ou non… s'offusque – ou non. (C'est évidemment un dicton infantile manipulateur. En réalité, non, il n'y a pas que la vérité qui fâche.)
Le sens propre et légal se limite pratiquement à l'offense au chef de l'État ou aux chefs d'État étrangers. Passible de Cour d'Assises. Prison et/ou amende à la clé. Encore appliqué ? Rarement, me semble-t-il, en France. (A Monaco, par contre, l'offense à la famille princière coute cinq ans !)
Domaine religieux : le péché est considéré comme une offense faite à Dieu. « Pardonnez-nous nos offenses comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensé. » (Paroles de la prière dite "Notre Père".)
Après la question est : Qui offense / Qui se sent offensé ?
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Le problème des définitions des dictionnaires, on le voit, c'est qu'elles se donnent un air d'objectivité : ceci EST une insulte, ceci EST une offense, comme si c'étaient des choses, alors que ce sont des actes… Comme si elles avaient une existence en soi, absolue, objective, hors de tout contexte. Comme s'il n'y avait pas un agresseur et une victime entourés par une société avec ses normes. Ou, pour le dire de manière plus neutre, plus générale : un émetteur et un récepteur inclus dans un contexte.
Autrement dit, toute offense est relative et relationnelle.
Elle vient de– ; elle s'adresse à– ; et elle s'inscrit dans tel cadre.
On peut d'ailleurs évoquer le langage du duel : il y a un offenseur (qui a souffleté son adversaire), un offensé (touché dans son honneur et qui a le choix des armes) et des témoins : d'une part, pour toucher l'honneur, l'offense doit être publique, "devant témoins", d'où honte, humiliation ; et d'autre part, en vue du duel,  les adversaires vont choisir leurs témoins ; qui feront office de juges de touche, de contrôleurs, d'arbitres. Même si le duel est illégal, il est socialement encadré, codifié.
Une bagarre de rue, moins codifiée, obéit quand même à un schéma semblable : il y a insulte de l'un, vexation en retour, d'où coups de poing et autres… et des témoins de hasard ou l'intervention de la police et vraisemblablement des comptes à rendre devant une autorité.
Tout ça pour redire – j'y tiens – qu'on ne peut pas définir ce genre de faits (les insultes, injures, offenses, outrages, et même moqueries, ironies, caricatures…) sans prendre en compte ces trois pôles : émetteur / récepteur / contexte. (Comme toutes les affaires humaines, en fait…)
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L'offense, pour moi, c'est essentiellement subjectif, c'est essentiellement l'affaire de l'offensé – je veux dire de celui qui se sent offensé. Tout dépend de sa susceptibilité, de sa "vexabilité", donc de sa fierté, de son orgueil, de son sens de l'honneur, quelque chose comme ça. Et sa possession ou non de sens de l'humour. (On peut d'ailleurs opposer mot à mot sens de l'honneur et sens de l'humour.) La caricature blesse surtout celui qui se prend au sérieux, qui a ses certitudes, qui pense un absolu et n'envisage pas qu'un autre pense autrement – je pense au croyant, là, bien sûr, dont la version exacerbée est le fanatique et donc le dangereux.
(Serait à développer l'idée que la croyance est dangereuse non parce qu'elle est une certitude mais au contraire parce qu'elle est insure, puisque Dieu ne se montre ni ne parle. Et donc elle s'accompagne d'une sorte de fêlure intérieure, un doute inclus… et donc de la peur de la brisure totale – anxiété, angoisse, écroulement de tout l'être-au-monde qui est sa béquille – … d'où la violence…)
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Paru dans Psikopat

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