jeudi 11 janvier 2018

PETIT VOCABULAIRE DE LA DÉRISION


La dérision, ça déride, même s'il n'y a pas de rapport étymologique entre les deux mots. Dérider, c'est effacer les rides, celles du soucis et se faire autant que possible des rides rieuses. La dérision, elle, se relie à rire (latin ridere), ridicule (tourner en -), ridiculiser, risette, risée (nous sommes la risée du monde)…
Le ridicule, c'est simplement ce qui prête à rire. Le drôle, ce qui fait rire.
Sortons burlesque, grotesque, histrion, saugrenu, baliverne, absurde, des mots où s'entend le grincement acerbe de la raillerie, le ricanement de la caricature, le rictus mordant du sarcasme, l'éreintement de la satire, le sardonique amer, le narquois goguenard, le bouffon qui vous pouffe à la gueule, la farce et la bourde, la blague et la malice, la facétie et la taquinerie
… Et se marrer : en avoir marre, d'abord, c'est s'affliger, s'ennuyer, et voilà que par antiphrase ça devient se marrer.
De même que le drôle s'oppose au droit, le rigolo s'oppose au rigorisme.
« Je me sens tout drôle » ne veut pas dire que je suis tout à coup devenu un rigolo.
Tiens, c'est amusant (c'est drôle), le son -ole se retrouve dans gauloiserie, gaudriole, rigolo, drôle, se gondoler, se poiler… ou riole (un ancien français désignant une partie de plaisir). (Écolo aussi… si bien que les écolos passent pour des rigolos.)
En voilà d'autres : iconoclasme, impertinence, insolence, insulte, invective, ironie, irrespect, irrévérence… (Tiens, ils commencent tous par i.)… anathème, bouffonnerie, clown, comique, dédain, dérapage, facétie, fou du roi, grinçant, méchant, mépris, moquerie, narquoiserie, outrances de langage, persifflage, plaisanterie, poil à gratter, quolibet, taquinerie, trash…
On le voit, le vocabulaire de ce qui prête à rire, ce qui suscite la moquerie, le risible, le dérisoire, est riche, certes, mais aussi plein de nuances, de connotations diverses, émotionnelles, culturelles, historiques… et subjectives. L'impertinence, par exemple, c'est un peu "gamin qui fait son malin", alors que l'insolence, c'est déjà plus adolescent : il y a un défi, donc un danger. Et l'ironie, alors, serait "adulte" : elle suppose qu'on se place au dessus de l'adversaire par l'intelligence. Deleuze dit d'ailleurs qu’« il y a dans l’ironie une prétention insupportable : celle d’appartenir à une race supérieure, et d’être la propriété des maitres. » Pourtant Jankélévitch, lui, dit : « L'ironie tend la perche à celui qu'elle égare », ce qui me semble plus subtil, veut dire qu'une ironie non méprisante est un pari sur l'intelligence de l'autre. Elle suppose – et induit – une complicité d'intelligence, un jeu entre émetteur et récepteur. (Ce que Guillaume Erner nommait "une convention de lecture implicite entre le lecteur et le journal" (cf. post précédent sur Charlie Hebdo.) Le même trait d'humour n'a pas le même sens en provenance de Minute ou de Charlie Hebdo…)
Mais ça ne marche pas toujours. C'est triste.
À part ça, pour ceux qui ne l'ont pas encore compris, la caricature, c'est, par définition, exagéré.
… Et rire reste toujours "exprimer la gaité par l'élargissement de l'ouverture de la bouche, accompagné d'expirations saccadées plus ou moins bruyantes…" (le dictionnaire) mais aussi s'esclaffer, pouffer, se bidonner, se gondoler, se poiler, se dilater la rate, se fendre la pêche ou la pipe (avant de se la casser).

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